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CATHMA
Compte rendu de la réunion du 15 février 1996

Présents : M. Bonifay, C. Dovisse, G. Démians d’Archimbaud, G. et J.B. et Féraud, C. Landuré, F. Paillard, M. Pasqualini, D. Pieri, J. P. Pelletier, J. Piton, C. Richarté, Y. et J. Rigoir, D. Rouquette, J. C. Treglia, L. Vallauri.
Excusés : S. Saulnier, L. Rivet.

La séance était consacrée aux problèmes de datation des sigillées africaines. Elle s’est tenue dans les locaux de l’institut de Recherche sur la Provence Antique et a été animée par Michel Bonifay et Jean Piton.

1. Introduction

La céramique sigillée africaine (= Late Roman A-B ware [Waagé] = Terra Sigillata Chiara A-C-D [Lamboglia] = African Red Slip ware [Hayes]) est, selon A. Caranidini (Atlante, 11) « une céramique :

L’intérêt principal de cette céramique, pour les céramologues confrontés à des problèmes de datation, est sa très ample diffusion. C’est une céramique vraiment universelle : on la rencontre du Portugal à l’ouest, à la Mer Noire à l’est, et de l’Écosse au nord, à la haute vallée du Nil (et même jusqu’en Ethiopie) au sud. On dispose ainsi d’un grand nombre de références qui se recoupent et fournissent, pour tous les sites du bassin méditerranéen, une échelle chronologique commune.

Bien que la sigillée africaine soit connue de longue date dans les publications africaines (l’atelier d’Oudna a été signalé par Gauckler dès 1896), il faut attendre le milieu du XXe s. pour qu’une première typologie voie le jour, élaborée hors d’Afrique. C’est le travail de Waagé à Antioche (1948), qui distingue cinq catégories de sigillées tardives Late Roman A-B-C-D-E ware, en pressentant une ori-ine africaine pour les deux premières (A et B). Dix ans après, une deuxième typologie est publiée , cette fois en Méditerranée occidentale (Lamboglia 1958 et 1963). Au sein du matériel de Vintimille, N. Lamboglia distingue lui aussi cinq catégories de « sigillées claires » : terra sigillata Chiara A-B-Liiisante-C-D ; trois d’entre elles se révèleront de provenance africaine (AC et D).

On doit à J. W. Salomonson (1968) d’avoir reconnu l’équivalence entre les deux classifications et d’avoir développé l’étude des céramiques africaines décorées en relief (céramique dite d’El Aouja ou A/C). Mais l’ouvrage fondamental sur la céramique sigillée africaine, demeure, vingt ans après sa parution, celui de J. W. Hayes (1972) qui donne une chronologie des formes de l’ensemble des productions de sigillée africaine entre le Ier et le VIIe s. (numérotées de 1 à 111, puis de 121 à 180 pour les formes fermées).

C’est sur ses propositions de datation absolue que l’ouvrage de Hayes est le plus critiqué en Méditerranée occidentale, où, dans les années 70, on n’est pas prêt à accepter des dates aussi tardives que celles auxquelles on est depuis longtemps habitué en Méditerranée orientale. Ces critiques (dont beaucoup ne sont pas fondées) ainsi que l’ouverture à la fin des années 70 des grands chantiers de fouilles de Carthage conduisent J. W. Hayes à publier un supplément à son ouvrage (1980 ) où il révise un certain nombre de datations.

Une autre date importante dans l’étude des sigillées africaines est la parution, en 1981, de l’Atlante delle forme ceramiche, ceramica fine, ceramica fine romana nel bacino mediterraneo (medio e tardo impero), sous la direction d’A.Carandini. La typologie de Hayes augmentée d’un grand nombre de variantes puisées notamment dans le matériel des fouilles d’Ostie, est reclassé dans le cadre de la typologie de Lamboglia (A-C-D) en la subdivisant encore (AI-2 ; C 1-5 ; DI-2) et en ajoutant une nouvelle catégorie (E). Le principal intérêt de cette refonte est de mettre en correspondance cette typologie et les description de pâtes publiées par Hayes. En revanche, le système de référence des formes (un chiffre romain suivi d’un chiffre arabe) se révèle difficile à manier.

On peut résumer la correspondance entre les quatre grands systèmes de classification de la façon suivante :

Cadre1

Depuis cette date et sur la base des classifications existantes, de nouveaux schémas évolutifs, principalement basés sur les fouilles de Carthage, ont été proposés afin de mieux cerner la datation des différentes formes (Fulford-Peacock 1984, Tortorella 1984 et 1986). Or ces propositions de datations divergent en bien des points : on n’obtient pas tout à fait les mêmes résultats chronologiques selon que l’on applique les datations de Hayes, de Fulford ou de Tortorella.

Le livre de M. Mackensen (1993) ouvre une voie nouvelle. C’est la première tentative de publication d’un atelier, avec la construction d’une classification et d’une chronologie relative propre à sa production. La chronologie absolue, elle, est fixée par référence aux contextes de Carthage, notamment ceux, jusqu’alors inédits. des fouilles de l’Institut allemand. Mais M. Mackensen entreprend également un examen critique des contextes les plus souvent utilisés pour asseoir la datation des sigillées africaines : il remet notamment en question la date avancée pour l’abandon des camps romains du Lorenzberg et du Moosberg (qui a conduit à remonter la datation des formes Hayes 61B et 91B à la fin du IVe s.) et l’homogénéité des contextes de Conimbriga (couche d’abandon du forum “datée” de 465 par référence au texte d’Hydace) ou de la Schola Praeconiim à Rome (couche datée de 430/440 mais avec des éléments incontestablement plus tardifs).

Ainsi, dans l’état actuel des recherches, il y a un non-dit sur le flou de la datation des sigillées africaines. On les suppose bien connues, on les utilise pour dater d’autres céramiques ou pour appréhender l’évolution des grands courants commerciaux (Reynolds 1995) mais, dans le détail, les variations chronologiques sont considérables1 (note 1): . Il a paru intéressant, dans le cadre des travaux de la C.A.T.H.M.A., d’ouvrir une discussion sur ces problèmes de datation à partir des données disponibles dans le Midi de la France.

2. L’apport des recherches menées dans le Midi de la France.

Un travail a été entrepris sur les différents contextes issus des fouilles de Marseille, dans le cadre de la préparation d’une publication collective de mobiliers (Etudes Massaliètes 5, 1996 ?) afin de les classer en chronologie relative. Ce classement repose sur la confrontation de plusieurs catégories de mobiliers (monnaies, sigillées méditerranéennes, dérivées-de-sigillées gauloises, amphores, verres) et il intègre quelques ensembles de références issus de sites importants entre la Ligurie et la Catalogne2. Nous présentons ci-dessous un extrait de ce tableau (nous nous limiterons aux contextes déjà publiés : voir tableau).

0nt participé à la réalisation de ce tableau : M. Bonifay (C.N.R.S.), CI. Brenot (C.N.R.S.), D. Foy (C.N.R.S.), D.Pieri, Y. Rigoir.

3. Discussion.

Pour le IVe s., nous manquons, en Provence, de contextes de référence. J. Piton signale un contexte de la fin du IIIe s. où apparaissent les premières sigillées africaines de type D (formes Hayes 58 et 59A) (Piton 1988), alors que Mackensen propose, lui, de reporter l’apparition de ces tonnes dans le second tiers du IVe s. (Mackensen 1993, 398-399). C. Dovisse signale cependant le caractère archaïque du matériel retrouvé sur les épaves de la pointe de la Lucque et d’Héliopolis 1 (lampes), datées du IVe s. (dendrochronologie ?). J. Piton mentionne un autre contexte arlésien, mis au jour lors des fouilles préalables à la construction de l’I.R.P.A., et daté de la fin du IVe s. : il livre les formes Hayes 59, 61A, 67 et 91A. D’une manière générale, il semble bien que le répertoire des formes de sigillée africaines soit très restreint au IVe s. : formes Hayes 50, 51, 52 et 57 en production C, formes Hayes 58, 59, 60, 61A et 67 en production D.

Le premier tiers du Ve s. paraît mieux documenté (contextes 1 et 2 : Arles-Esplanade et Narbonne-Clos de la Lombarde) avec l’apparition des premières variantes de forme Hayes 61B et 91B ; les décors sont du style A(ii). Les lampes sont représentées uniquement par le type Atlante VIII.

La forme Hayes 61B ne devient réellement fréquente qu’au second quart du Ve s. (contextes 3 et 4 : épave du Dramont E, Tarragone) ; on assiste à une multiplication de ses variantes vers le milieu du siècle (contexte 6). C. Dovisse présente les dessins qu’elle a réalisés du matériel de l’épave de Port-Miou (contexte 5), publiée seulement en partie (Deneauve 1972) ; au vu de la grande hétérogénéité des variantes de formes Hayes 61B, il convient peut-être de repousser encore (au second quart du Ve s. ?) la datation de cette épave, initialement fixée au troisième quart du IVe s., puis déjà reportée au début du Ve s. (Hayes 1980). Une forme également fréquente au second quart du Ve s. : Hayes 8 1. Le décor des plat est de style A(iii), les lampes sont de type Atlante VIII ou X.


Les contextes attribués à la seconde moitié du Ve s. selon des arguments monétaires (contextes 7, 8 et 9) ne présentent pas de nette évolution ; il semble qu’il y ait une sorte de stagnation du répertoire de formes dans la production D. La forme la plus abondante est toujours Hayes 61B, avec des variantes très particulières qui rappellent seulement de très loin le prototype apparu au début du siècle (fig. 1 et 2) (contexte n° 8 : Marseille-Bon Jésus (Contexte inédit : fouille P. Reynaud, publication en préparation dans Etudes Massaliètes 5). Les seules nouvelles formes sont Hayes 12/102 et, dans le dernier tiers du siècle, Hayes 87A et 104A (contextes inédits non mentionnés sur le tableau). Cette stagnation ne s’observe pas au sein de la production C : la seconde moitié du Ve s. voit la diffusion des produits en C5 (formes Hayes 74, 82, 84 et 85). Il remarquable que la forme Hayes 99 est absente de ces contextes. Les lampes africaines de type Atlante X sont souvent de petite taille avec des décors bien imprimés.

Cadre2

Nous proposons d’attribuer à la première moitié du VIe s. une série de contextes (n° 10 à 13) où apparaissent les variantes tardives de Hayes 87 (B et C), et les formes Hayes 88. 99 et 91C. Ceux qui livrent cette dernière forme ne sont peut-être pas antérieurs au second quart du VIe s., si l’on suit Mackensen (Mackensen 1993, 432). Dans cette optique, G. Démians d’Archimbaud estime qu’il serait peut-être nécessaire de reporter au second quart du VIe s. le contexte n’ 13 de Saint-Blaise (Sondage II, fosse 7f2b), initialement daté de la fin du Ve s. ou du début du VIe siècle.

En revanche, il convient bien de placer dans les décennies centrales du VIe s. le contexte n° 14 (Saint-Blaise, sondage IB sud, fosse 6a), ainsi que les contextes marseillais n’. 15 et 16, où apparaissent des variantes tardives (B et C) de la forme Hayes 104, ainsi que les premiers exemplaires de forme Hayes 107, associés à de nombreuses Hayes 87 A-B-C et Hayes 99. Les lampes africaines sont toutes du type Atlante X, avec un engobe terne et des décors empâtés de feuilles cordiformes. C’est également dans ces couches que la sigillée phocéenne est la plus abondante (formes Hayes 3F et 10A)2.

On attribue à la fin du VIe s. ou au début du VIIe s., une série de contextes (n° 17 à 20), qui livrent les premières variantes de la série la plus tardive des formes de sigillée africaine : Hayes 90B. 91D (ou C/D), 105 et 109. Ces contextes se distinguent bien de ceux qui doivent être datés plus nettement dans le VIIe s. par la présence de la forme 90B qui semble bien typique du dernier tiers du VIe s. (elle annonce la forme 105) et par le profil particulier de la forme Hayes 109 : il s’agit là d’une variante précoce, à parois épaisses et parfois sans décor lissé (fig. 3). J. Piton signale que cette forme est associée à la forme Hayes 104C dans un contexte inédit des fouilles de l’I.R.P.A. (aménagement en terrasses sur la voie). Les mêmes constatations ont été faites en Espagne du Sud (Reynolds 1995, 11 : “variant 87B/109").

Pour le VIIe s. avancé, il est nécessaire de citer le contexte encore inédit de Marseille, place Jules Verne3 où la forme Hayes 109 “classique”, à parois minces et à décor lissé de bandes concentriques est bien attestée (fig. 4). Ce faciès trouve des comparaisons avec ceux de Sant Antonino di Perti (Sant Antonino 1988 et 1992) et surtout avec celui de la Crypta Balbi de Rome en association avec des monnaies de la fin du VIIE s. (Sagui 1995).

Bibliographie

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