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CATHMA
Compte rendu de la réunion du 11 mai 2007

Présents : M. Bonifay, R. Broecker, S. Duval, C. Khalfallah, J.-P. Lagrue, F. Marty, M. Pasqualini, , D.
Ollivier, E. Pellegrino, V. Prades, C. Richarté, L. Rivet, S. Saulnier, J.-C. Tréglia.
Excusés : L. Schneider, C. Pellecuer, Cl. Raynaud, Th. Martin.

La réunion s'est tenue de 14h30 à 17h30 à Fos-sur-Mer, dans le dépôt archéologique municipal autour du mobilier de deux sites : Saint-Gervais de Fos et le site médiéval du Mourre-du-Boeuf (Martigues).

1-Saint-Gervais (Fos-sur-Mer)
1.1-Rappels historiques
L’étymologie de Fos-sur-Mer vient de « Fossae Marianae », les Fosses Mariennes. Ce nom aurait été donné au canal construit en 102 avant notre ère à l’initiative du général Marius pour relier Arles à la Méditerranée. On retrouve le nom antique de « Fossae Marianae » sur la Table de Peutinger. Fos y est représentée par une vaste construction semi-circulaire, à l’instar d’Ostie. À partir du Ier siècle, le port antique de Fos est l’un des plus importants de la Méditerranée. Le port est abandonné aux alentours du VIIIe siècle. De nombreux témoignages historiques et archéologiques attestent de l’existence et de l’'importance de l’activité de l’anse Saint-Gervais (Golfe de Fos). De nombreuses épaves aux abondantes cargaisons y ont été retrouvées. Les premiers travaux archéologiques notables sont publiés en 1936 par le comte de Gérin-Ricard dans la Forma Orbis Romani. Carte Archéologique de la Gaule. Bouches-du-Rhône. Paris.

Le site de Saint-Gervais se trouve à l’emplacement du port antique de Fos. Cette toponymie, relative aux jumeaux martyrs persécutés par Néron, rappelle le culte des premiers chrétiens dont les reliques avaient été retrouvées à Milan (Basilique Saint-Ambroise) et pose la question de la présence d'un épicentre religieux précoce (IVe-Ve siècles). Les sources écrites évoquent dès 923, le vocable de Gervais. Mais rien ne permet de trancher en faveur d’une fondation ancienne aux IVe-Ve s. à l’image du patron milanais. L'abbaye bénédictine de Saint-Gervais est fondée en 989, sur le littoral, par un moine, Paton. En 1081, elle est rattachée à Cluny et soustraite à l’ordinaire de l’archevêque d’Arles. Du Xe au XIIIe siècle, le bourg de Fos se développe au pied du château, mentionné pour la première fois en 923. Ce bourg compte plus d’un millier d’habitants à la fin du XIIe siècle.

1.2-La fouille (J.-P. Lagrue, V. Prades, Service Archéologique de Fos-sur-Mer)
Le creusement d'une adduction d'eau dans le cadre d'un aménagement touristique par la ville, a provoqué la découverte de plusieurs sarcophages et déclenché une fouille nécessitée par l'urgence absolue à la fin de l'année 2005, permettant de documenter davantage ce site majeur de l'histoire de Fos, qui avait fait l'objet d'une fouille de sauvetage dirigée par Georges Lemaire en 1984. Les structures partiellement découvertes laissent apparaître, plusieurs états d'occupation.

A un premier état du site (Antiquité, Ier-IIe s.) correspond un bâtiment aux murs maçonnés à la chaux et aux joints lissés, observé sur 14 m de long par 4 m de large, sur un mètre d'élévation, constituant l'angle d'un bâtiment dont on ignore le plan et par conséquent la nature (habitat ? lieu de culte ? bâtiment public ?). Le mobilier est illustré par de la céramique commune grise kaolinitique et de la sigillée du sud de la Gaule. Dans un second état, autour de la deuxième moitié du IVe et du début du Ve s. (monnaie Fel Temp Reparatio), ces constructions sont récupérées et intégrées dans l'aménagement d'un bâtiment rectangulaire d'environ 30 m de long sur 15 m de large, à deux compartiments. Les remblais d'inhumation ont révélé notamment un fragment de table d'autel en marbre (identique à celui découvert rue Malaval à Marseille par l'équipe de Manuel Moliner), un fragment de statuaire (couronne de chrisme ?), des tesselles de mosaïques et des fragments d'enduit peint rouge. La tentation est forte de voir dans ces structures les restes d'une chapelle, dédiée aux saints Gervais et Protais,
dont le culte se répand en Méditerranée à partir des années 380. Ce bâtiment semble avoir connu un incendie généralisé (VIe-VIIe s. ?) au regard des traces de combustion décelées sur la face interne de l'appareil, sur les parties émergentes. Cette construction détermine par la suite l'implantation de nombreuses sépultures et semble constituer une chapelle funéraire. Dans un troisième état, au moins au XIe s., des constructions aux fondations épaisses de 1,40 m employant essentiellement des blocs de calcaire fin, provenant de Porquerolles, sont aménagées, non sans endommager en plusieurs endroits des sépultures. La localisation de ces constructions, en périphérie de l'aire de fouille, ne permet pas de définir une organisation générale ni un plan : s'agit-il du mur de clôture de l'aire funéraire ou d'aménagements en relation avec l'abbaye ? En effet, les textes relatent la mutation en 989 de la chapelle cimétériale en abbaye personnelle des seigneurs de Fos directement rattachée à Cluny en 1081. Une soixantaine de sépultures systématiquement orientées, ont été reconnues en pleine terre et en coffrage. La plupart sont encore couvertes de dalles monolithes, datables par leur type des XIe-XIIe siècles. Selon un sondage, les sépultures non-fouillées, s'organisent sur au moins trois niveaux. Elles semblent obéir à une répartition : on ne les retrouve plus dans la zone occidentale du site. Avec un hiatus, cette utilisation médiévale attestée par un texte en 923, qui signale la chapelle Saint-Gervais et son cimetière, succède ainsi à celle de l'époque paléochrétienne, époque à laquelle se met probablement en place l'hagionyme en vogue aux IVe et Ve siècles. Cette nécropole peut-être mise en relation topographique avec deux autres sites funéraires connus en prospection sous-marine, à proximité à l'Est et à l'Ouest du site, utilisés entre le Haut et le Bas-Empire.

1.3-Le mobilier céramique
Etat 1 (Haut-Empire) : Grise kaolinitique, sigillée du Sud de la Gaule, amphore de Bétique, amphore gauloise

Etat 2 (fin IVe-début Ve s.) : amphore africaine à décor peigné ; amphore égyptienne Late Roman 7 tardive, amphore orientale Late Roman 1, amphore sicilienne Agora M254, amphore africaine Panella 2 résiduelle, amphore orientale Capitan II, sigillée claire D (types Hayes 105B et Hayes 109B), céramique commune égéenne (type Cathma 5), céramique commune orientale (type Cathma 4), céramique culinaire africaine.


2-Le site médiéval du Mourre-du-Boeuf (Martigues). Vigie ou castrum du Xe s ?
(S. Duval, Service Archéologique de Martigues)

Le site médiéval du Mourre du Boeuf a été découvert en 2006 lors d’une opération de sondage programmée sur une crête, située à 3 kms au sud-ouest de la ville de Martigues, et à moins de 2 kms au nord du site de Saint- Pierre-les-Martigues. Ce promontoire escarpé culmine à 136 m d’altitude, dans le relief de l'extrémité nordoccidentale de la chaîne de la Nerthe. Ainsi, le site offre un panorama étendu, au sud sur la plaine agricole de Saint-Pierre-les-Martigues ; à l’ouest sur le littoral, depuis la pointe de Bonnieu jusqu’au Golfe de Fos, avec comme point remarquable sur cette côte, l’Ile du Fort-de-Bouc ; enfin au nord, sur le Chenal de Caronte et l’Etang de Berre. Le relief du Mourre du Boeuf conserve également les vestiges d’un petit village protohistorique du VIe s. av. J.-C. sur le flanc nord-est de la crête, à une dizaine de mètres du site médiéval, et d’un enclos pastoral, vaste de 380 m2, sur le côté ouest de la crête, pouvant dater du VIe s. av. J.-C., mais qui pouvait être encore en usage au Moyen-Age.

2.1-L’occupation médiévale

Le site médiéval se développe sur l’extrémité orientale du promontoire ainsi que sur son versant méridional, qui décline en pente régulière jusqu’au pied d’une barre rocheuse. La défense du site est assurée par l’escarpement d’une falaise sur son côté nord et par un double mur qui ferme l’accès à l’éperon à l’ouest. Dans cette configuration topographique, plusieurs secteurs se distinguent selon la nature des vestiges :

Un édifice sommital (fig. 1 n° 1)
Sur la partie sommitale du site se dresse l’arase d’un bâtiment quadrangulaire, appuyé au double mur de défense occidental. Il abrite une pièce unique où est aménagé, en position presque médiane, un foyer de 1,40 m de côté, bordé de moellons posés en orthostate. Le foyer présente quatre niveaux de fonctionnement, marquées par des recharges successives d’argile.
Les sols de circulation sont pauvres en mobilier : ils n’ont livré que quelques fragments de céramique commune, un couteau en fer, un fragment de bouterolle en bronze, une meule à anille en poudingue calcaire, un petit fragment de plaque de marbre et quelques galets. De nombreux éclats de silex sont également attestés, peut-être utilisés comme briquets. Quelques restes de faunes et de nombreuses coquilles (coques, moules, huîtres, arapèdes et cérites) ont été rejetées dans l’ensemble de la pièce.
Ces éléments indiqueraient donc un usage domestique de cette pièce et de ce foyer. Cependant, ce feu pourrait aussi, à titre d’hypothèse, en raison de ses dimensions remarquables et de la position panoramique de l’édifice, recouvrir une fonction de signalement visuel à longue distance, bien que toute restitution de l’élévation d’un tel dispositif nous échappe actuellement.


Une zone d’extraction
Devant le double mur s’étend une petite zone rocheuse entaillée de cavités d’extraction, susceptibles de fournir des matériaux de construction sur le site. Ces excavations rendent l’accès direct à la tour plus accidenté et pourraient aussi indirectement participer à sa défense. Quatre alvéoles d’exploitation sont d’ores et déjà dénombrées. Il s’agit d’une exploitation mixte, conduite en paliers latéraux sur un front méridional, et en fosses depuis le sommet de la crête.
Aucune trace d’escoude ni de tranchée de détourage de bloc modulaire n’est relevée sur ces fronts. Il s’agit d’un travail d’extraction brute, qui met directement à profit la nature karstifiée du calcaire blanc local. Ainsi, à partir de ces diaclases puis des fissures internes de ce substrat peut s’opérer un détachement sommaire de dalles et de blocs, qui peuvent ensuite être dégrossis et employés dans les maçonneries du site.

Les terrasses méridionales
Enfin, cette tour surplombe au sud deux larges terrasses. La première terrasse est dite «basse», car son altitude se situe de 1 à 1,50 m sous la terrasse sud-est, dite terrasse «médiane», elle-même à 1,50 m au-dessous du niveau de la tour. Les talus de ces terrasses sont confortés de murettes en pierre sèche, disposées à intervalles réguliers, de manière à constituer un dénivelé progressif en «degrés». Au moins deux pièces ont été bâties sur la terrasse médiane, mais de part et d’autre, la surface disponible pourrait encore loger deux ou trois unités architecturales. La base des maçonneries est liée au mortier de chaux. L’attribution de ces constructions au haut Moyen Age doit encore être précisée, et leur fonction demeure difficileà déterminer (unités domestiques d’un petit habitat ou d’une caserne par exemple…).
De même, la fonction de la terrasse basse reste hypothétique. Aucune maçonnerie n’apparaît en surface. Ce plateau pourrait pourtant servir d’assise à quelques constructions, ou être réservé à un autre usage, comme celui d’une aire de parcage d’animaux.

2.2-Les sources documentaires

Une étude d’archive est venue compléter cette première approche du site. Menée par Philippe Rigaud, elle apporte un éclairage intéressant sur le contexte historique local. Le site du Mourre du Boeuf implanté sur un des points culminants du territoire de la commune de Martigues pourrait avoir été, à diverses périodes, un élément de défense du territoire démembré des possessions de la famille des seigneurs de Fos, puis intégré dans le domaine de la famille Porcelet, alliée du Comte de Provence, et peut-être revendiqué par d’autres, pour un territoire dépendant du prieuré de Saint-Geniès et sous contrôle de l’abbaye de Montmajour. Cette tour pourrait également avoir joué le rôle de farot, dont le principe pourrait être en usage pour la période. Ce système d’alarme par signaux optiques, pour la surveillance maritime, permet une chaîne de transmission linéaire rapide, dont l’entretien et le fonctionnement sont assurés par des gardes. Un texte de 1302 énumère explicitement 33 farots sur tout le littoral provençal. Pour la région de Martigues, sont mentionnés en particulier le poste d’observation de la Tour de Bouc et le farot de la Couronne. Une enquête comtale de 1323 signaleégalement l’existence d’un lieu dit Balausena sur lequel il était nécessaire d’effectuer la garde et de tenir un farot, à priori en coordination avec les deux autres farots du littoral martégal. Mais l’emplacement de ce toponyme reste pour l’instant inconnu.

2.3-Une vigie stratégique

Dans ce contexte de trouble, la vallée encaissée de Saint-Pierre-les-Martigues est une enclave géographique qui aurait pu nécessiter l’installation d’un poste élevé pour exercer une surveillance et donner l’alerte. Le promontoire du Mourre du Boeuf visible à la fois de Saint-Pierre, de l’Ile de Bouc et de l’emplacement supposé de Saint-Genies pourrait répondre à cette fonction. Le site du Mourre du Boeuf pourrait donc constituer une vigie complétée de pièces domestiques pour la garnison. Autre hypothèse de travail, ce site composé d’une tour associée à un îlot d’habitation bâti sur des terrasses pourrait également correspondre au schéma d’occupation d’un petit castrum.

2. 4-Le mobilier céramique

Le mobilier se résume à quelques fragments de céramique commune grise dont une panse de vase fermé et un bord d'olla à bandeau datable de l'An Mil (fig. 1 n° 2-3).