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CATHMA
Compte rendu de la réunion du 20 janvier 1995
Présents : S. Bien, M. Bonifay, M. Bouiron, F. Coeur-Mezzoud, G. Démians
dArchimbaud, G. et J.-B. Féraud, R. Guéry, C. Landuré, L. Martin, F. Paillard,
F. Parent, C. Pellecuer, J.-P. Pelletier, J. Piton, J. Proust, P. Reynaud,
C. Richarté, Y. et J. Rigoir, L. Rivet, M. Sciallano, S. Saulnier, J.-C. Treglia,
L. Vallauri.
Excusés: R. Boiron, F. Gateau, M. Leenhardt.
La séance, tenue dans les locaux du Centre Camille-Jullian et Recherches dAntiquités Africaines, était consacrée au matériel africain, présenté par R. Guéry et M. Bonifay.
1. Fouilles de Rougga (Tunisie)
Rougga, dont on retrouve le nom antique Bararu-s dans Ptolémée, la table de Peutinger et quelques rares inscriptions, a été fouillé de 1971 à 1974 par lInstitut National du Patrimoine de Tunis et lInstitut dArchéologie Méditerranéenne dAix-enProvence. Le site se présente comme le noyau administratif de bourgades satellites et, au titre de municipe, il est pourvu de lensemble monumental par lequel on reconnaît une cité : arcs, temples, théâtre, amphithéâtre et forum. Cest principalement sur ce dernier ensemble que sexerça la recherche des grandes étapes de lhistoire de la ville. Mais les séquences stratigraphiques çà et là retrouvées ont été profondément bouleversées par lactivité des chaufourniers et seuls ne subsistent, en six endroits différents, que des lambeaux dune stratigraphie incomplète dont la confrontation autorise néanmoins la restitution de la vie de la cité. 16 couches ont pu être identifiées (cf. tableau) qui sétagent de lépipaléolithique à lépoque contemporaine. Mais les strates se référant à lAntiquité tardive et au haut Moyen-Age présentent les garanties chronologiques les mieux assurées pour une période pourtant très mal connue de lhistoire du Maghreb. Le Bas-Empire (niveau VII) est authentifié par de la céramique de la fin du IVe s. à la première moitié du Vle siècle. La séquence byzantine (niveaux VI et V) est représentée par les restes de mauvaises constructions dont labandon est très précisément daté par un trésor monétaire dissimulé en 646-647, année du premier rezzou arabe en Tunisie. La vie sédentaire se poursuit cependant du VIIe s. au VIIIe s. dans un habitat auquel se rapporte une nécropole (niveau IV).
Niveau VII (couche 13):
La sigillée africaine comprend des fgts de type C5 (formes Hayes 84 et
85) caractéristiques de la deuxième moitié du Ve s. ou du début du VIe
s. associés à plusieurs éléments de vaisselles apparentées au type D, évoquant
les formes Hayes 76, 93 et 103. Les lampes sont du type Atlante X (Hayes
II B) avec un décor de feuilles cordiformes m-al imprimé bien attesté en
Provence au VIe siècle. Au sein de la céramique commune, on remarque des
marmites à lèvre haute faiblement épaissie à lintérieur ; la forme (héritée
des casseroles Hayes 23 ?) tout comme la pâte rappellent les productions
de patina cenerognola.
Niveau VI (couche 12)
Dans ce niveau, la sigillée africaine D est représentée par dassez abondants
fgts de forme Hayes 90 auxquels il faut probablement rattacher un fond
à pied haut orné dun décor lustré géométrique. En Provence, cette forme
signe les contextes de la deuxième moitié du VI e siècle. Le bol à listel
91 C qui lui est associé est également caractéristique du VI e siècle.
Enfin, deux tessons de forme Hayes 105 pourraient tirer la datation vers
le bas sauf à admettre avec Fulford-Peacock 1984 que cette assiette apparaît
dès 550. Dans la céramique commune apparaissent quelques fgts de bassines
à bord renlé qui seront plus nombreux dans le niveau suivant.
Niveau
VII (couche 10)
Le faciès de la sigillée africaine est ici nettement plus tardif avec,
aux côtés de la forme Hayes 90 toujours présente, une présence plus affirmée
de la forme Hayes 105 ; elle est associée cette fois au bol à listel Hayes
91 D et surtout à une assiette presque complète de forme Hayes 106. Cette
dernière, probablement issue du sol doccupation de lhabitat byzantin,
présente une qualité de pâte typique des productions du VIIe s. : pâte
brune assez friable et engobe rosé écaillé. Les lampes, assez nombreuses,
sont toutes du type Atlante X abâtardi, avec des décors surmoulés et une
qualité de pâte médiocre. Quelques éléments damphores semblent devoir
être rattachés aux types Keay LXI-LXII ; on rencontre également des couvercles
qui peuvent sadapter sur ces grands récipients. Enfin, la céramique commune
est marquée par une grande abondance de bassines à bord renflé ; une bouteille
incomplète présente une forme comparable à celle qui contenait le trésor
de 646.
Niveau
VI (couches 8 et 7)
Le matériel, moins abondant, semble surtout caractérisé par des bols en
céramique commune à bord ourlé. Un moule de lampe en argile présente une
ornementation à main levée : on distingue des coeurs, triangles, cercles,
noeuds de Salomon, rosaces quadrifoliées sur le bandeau et dans le canal.
La cuvette, quant à elle, est gravée dun faucon poursuivant un lièvre,
scène de chasse qui nest pas sans évoquer les représentations animalières
si fréquentes sur la céramique émaillée arabe.
Le site de Rougga est donc un jalon important pour la chronologie des céramiques
de lAntiquité tardive et du haut Moyen-Age berbéro-islamique en Tunisie.
Les différences par rapport au matériel publié à Carthage peuvent sexpliquer
par des particularismes locaux, notamment des sources différentes dapprovisionnement
en céramiques sigillées (ateliers du centre et du sud de la Tunisie, dont
les productions sont plus rares à Carthage) et communes (dont la typologie
reste encore entièrement à élaborer).
Bibliographie
Guéry (R.), Moirrisson (C.), Slim (H.), Recherches arhéologiques franco-tunisiennes
à Rougga, III, Le trésor de monnaies dor byzantines, Rome 1980.
Guéry (R.), Loccupation de Rougga (Bararus) daprès la stratigraphie du
forum, dans Bulletin archéologique du C.T.H.S., nouv. sér., fasc. 17 B,
Paris, 1984, p. 91 - 100.
Guéry (R.), Survivance de la vie sédentaire pendant les invasions arabes
en Tunisie centrale : lexemple de Rougga, dans Bulletin archéologique
du C.T.H.S., nouv. sér., fasc. 19 B, Paris, 1985, p. 399-410.
2. Ateliers de
sigillées africaines
Le Centre Camille-Jullian et Recherches dAntiquités Africaines détient,
en accord avec lInstitut National du Patrimoine de Tunis, quelques échantillons
dateliers de sigillées africaines. Ces échantillons sont à la dispositon
des chercheurs (notamment des membres de lassociation C.A.T.H.M.A.) qui
souhaiteraient effectuer des comparaisons.
A. Atelier dEl Mahrine
El Mahrine est lun des plus important ateliers de sigillée africaine tardive
du nord de la Tunisie. Il est situé dans la plaine de la Meierda, au sud
de la localité actuelle de Tebourba. Non fouillé mais abondamment prospecté
entre 1968 et 1989, il a fait récemment lobjet dune vaste monographie
qui constitue la première publication détaillée dun atelier de sigillée
africaine :
Mackensen (M.), Die spätantiken sigillata- und Lampentöpfereien von El
Mahrine (Nordtunesien), Münchner- Beiträge zur- Vor und Frühgeschichte,
Band 50, Münich 1993.
Les échantillons comprennent dune part des outils de potiers, dautre
part des fragments de lampes et de vaisselle. Parmi les outils, on remarque
un fragment destèque-gabarit ou de lissoir (pugillum) en argile comparable
à ceux publiés par Mackensen (op. cit., fig. 20 à 22) et deux fragments
de cazettes pour la cuisson de la vaisselle (ibid., fig. 24). Rappelons
quune cazette retrouvée en prospection contenait encore, empilées les
unes sur les autres, trois assiettes Hayes 67 et une assiette Hayes 76
(ibid., fig. 101). Les lampes sont représentées seulement par quelques
fragments de type Atlante VIII. Au sein de la vaisselle, les formes les
plus abondantes sont lassiette Hayes 67 et le bol à listel Hayes 91 A
ou B. On trouve également des fragments dautres formes : Hayes 61 A, 63,
73, 76, 104 A. Uensemble de la production est de type D1.
B. Atelier dHaffouz
Situé dans la régon de Kairouan, cet important centre de production nest
connu que par des pillages dont les résultats ont longtemps alimenté un
commerce actif à El Jem. Une prospection et plusieurs saisies ont permis
de sauver une importante collection de grands plats en C3-4 décorés de
reliefs dapplique, formes Hayes 51 à 54 notamment, de nombreux moules
de lampes paléochrétiennes, quelques matrices fragmentées de grands plateaux
rectangulaires Hayes 56 en D fabriqués entre 375 et 450 (dont un contretype
a été présenté en réunion Cathma en 1992) et différents outils.
C.
Ateliers dHenchir es Srira et Sidi Aich
Ces deux ateliers illustrent bien les difficultés de classification des
productions africaines du centre et du sud de la Tunisie (ils sont respectivement
situés à proximité de Sbeitla et de Gafsa). La pâte et le vernis sont
en effet comparables à ceux des sigillées C ou D mais les formes sont différentes.
On consultera à ce propos les planches LXVII (Henchir es Srira) et LXVI
(Sidi Aich) de l Atlante delle forme ceramiche I, Ceramica fine romana
nel Bacino mediterraneo, Enciclopedia dellarte antica, Rome 1981. Les
lampes produites dans latelier dHenchir es Srira sont toutes du type
Atlante VIII B qui, en revanche, ne paraît pas produit dans les ateliers
du nord de la Tunisie. Dautres petites unités de production ont été repérées
au nord des chotts par R. Guéry (C.R. Cathma du 15 février 1991).
D. Ateliers algériens
Des fours et des batteries de bacs de décantation communicants ont été
mis au jour par A. Berthier à Tiddis voici plus dun demi siècle, qui nont
pas encore été publiés. De cette installation provient de la sigillée
claire D classique (R. Guéry, Un poinçon-matrice pour estampiller la terre
sigillée D à Tiddis, Bulletin dArchéologie Algérienne, 3, 1968, p. 275-279)
et une production plus originale, qui lui reste étroitement liée, sur laquelle
des bandes de vernis horizontales se détachent sur un fond simplement lustré.
On y fabriquait aussi des tuyaux de céramique marqués de timbres faisant
référence à des localités avoisinantes ce qui fournit un indice sur le
caractère vraisemblablement local de cette production.
Lexistence dun autre atelier, dont les formes sont dérivées de la D, a été pressentie dans la région de Sétif (Atlante I, Terra sigillata dellAlgeria orientale e centrale, p 140-141, Pl. LXVIII).