DERIVEES DES SIGILLEES PALEOCHRETIENNES

(sigillées tardives estampées)

 

I. TECHNIQUE

C'est une céramique tournée de façon assez rigoureuse mais sans que soit réalisée une parfaite standardisation des formes : d'où une multiplication des variantes.

L'argile utilisée est finement épurée et le vase, après décoration éventuelle, est généralement couvert d'un engobe. La post-cuisson est conduite de deux manières et, à la sortie du four, les objets peuvent présenter des colorations qui varient du gris au noir ou du jaune-orangé au brun.

Une large part de la production est lisse, les surfaces étant seulement brunies ; ces vases reçoivent parfois un décor de simples guillochis mais les vases les plus représentatifs de cette production sont ornés. Les décors, réalisés en creux au moyen de poinçons stylisés, sont essentiellement des rouelles, des palmes et des arceaux ; les motifs figuratifs, bien moins fréquents, livrent des cervidés, des poissons, des moutons et des oiseaux, de même que des chrismes, des croix monogrammatiques, des têtes et des bustes humains, certains de ces décors renvoyant nettement aux thèmes du christianisme.

II. TYPOLOGIE

Le catalogue comporte, principalement, des assiettes et des plats à marli, des coupes surbaissées ou hémisphériques, avec ou sans marli, fréquemment carénées ; les mortiers, non ornés, sont nombreux, de même que les coupes à collerette munies d'un versoir. En revanche, les cruches et les vases à goulot latéral, les gobelets et les ollae sont rares.

C'est donc une vaisselle presque exclusivement de table ; les mortiers destinés aux préparations culinaires et les ollae , sans doute utiles à la conservation, ne le sont pas directement.

Parmi le lot important de matériel mis au jour et étudié, la notion de "service" a été avancée mais ne couvre pas une gamme complète de formes.

Du point de vue des formes et des décors, il y a de nombreuses convergences avec les productions antérieures (plus particulièrement gauloises) mais le catalogue emprunte surtout à la vaisselle contemporaine : l'abandon du moule et le décor estampé suivent de peu l'apparition des produits africains (sigillée claire D).

III. CENTRES DE PRODUCTION

On ne connaît pas les ateliers d'où sont issus ces produits mais l'étude du matériel permet de proposer plusieurs centres ; la recherche porte sur l'étude conjointe des formes, des modes de cuisson, des styles et des poinçons, selon les sites de découvertes ; les associations de poinçons, en particulier, fournissent actuellement les filières les plus sûres pour déterminer des objets produits par un même atelier, puisque le poinçon est un outil non seulement identifiable mais unique.

L'étude fait apparaître trois zones principales de production :

- la Provence, avec un centre majeur à Marseille (des centres secondaires sont supposés à Apt, Salernes (?), Valence, Martigues (?)...). Ce groupe fournit des produits majoritairement gris ; le décor, quand il existe, est aéré (seulement deux ou trois poinçons différents par vase), constitué de grands motifs généralement bien gravés et imprimés. Le répertoire compte une cinquantaine de formes, les plus fréquentes étant l'assiette/plat à marli (Rig. 1), la coupe à marli (Rig. 3) et la coupe haute carénée (Rig. 18).

- le Languedoc avec deux centre majeurs, l'un dans l'Hérault (dont un atelier secondaire à Générac,...), l'autre dans l'Aude (Narbonne et Carcassonne ?)). La production donne une large place aux produits jaune-orangé ; dans l'Aude, le décor est surabondant, fait de petits motifs variés jusqu'à six poinçons différents par vases. Le catalogue se limite à une dizaine de formes, en particulier l'assiette/plat à marli (Rig. 1), la coupe hémisphérique à bord rentrant (Rig. 6), les coupes carénées (Rig. 15 et 18) et les cruches.

- l'Aquitaine, dont un centre majeur serait à situer au nord de Bordeaux (?). La production est très homogène, gris foncé, et emploie abondamment le guillochage (en particulier sur les fonds d'assiettes ou de plats, autour des motifs centraux) et des motifs curvilignes ; les motifs figurés ne sont pas rares, représentant notamment des cervidés et des chrismes. Les formes les plus fréquentes sont l'assiette/plat à marli (Rig. 1), l'assiette à bord redressé (Rig. 4) et la coupe hémisphérique (Rig. 6).

On ne peut exclure, au contraire, d'autres groupes de production, en particulier dans le sud du Massif Central et en Suisse.

IV. DIFFUSION

Les DS.P. sont un matériel minoritaire (4% en Languedoc oriental et 16% en Provence, moins de 5% dans la Drôme et 18% dans l'Ardèche).

Les productions de chacune de ces régions franchissent exceptionnellement leurs limites ; cependant, le groupe provençal est attesté sur les côtes ligures (jusqu'à Gênes), languedocienne et catalane (Rosas, Ampurias, etc.) ; le groupe languedocien (Aude) sur les côtes cataliane (Tarragone, Barcelone) et provençale, ainsi qu'à Aix-en-Provence et Arles, de même qu'en Corse ; le groupe Aquitain diffuse vers la Loire, la Seine et le sud de la Grande-Bretagne.

V. CHRONOLOGIE

Les datations sont imprécises ; on admet que la production languedocienne est la première à voir le jour, vers le milieu du IVè s. ou peu après (?), suivie par celle des ateliers provençaux, vers le dernier quart du IVè s. ou au début du Vè s. (?). En Provence, la production pourrait s'étaler sur deux siècles : dans une première période, les formes décorées (deux tiers des objets), essentiellement l'assiette et la coupe à marli, insi que la coupe haute carénée, évoluent, dans une dernière période, vers des produits plus grossiers (dont un sixième seulement sont décorés), avec une prédominance de la grande coupe à marli, du mortier, de l' olla à bec tubulaire ainsi que des cruches.

Lucien RIVET

 

Bibliographie :

J. et Y. RIGOIR, J.-F. MEFFRE, "Les dérivées des sigillées paléochrétiennes du groupe atlantique", dans Gallia , 31, 1973, p. 207-263.

M. BONIFAY, "Eléments d'évolution des céramiques de l'Antiquité tardive à Marseille d'après les fouilles de la Bourse (1980-81)", dans Revue Archéologique de Narbonnaise , 16, 1983, p. 285-346.

Y. et J. RIGOIR, "Les dérivées des sigillées paléochrétiennes dans la moitié sud de la France", dans S.F.E.C.A.G., Actes du Congrès de Reims , 1985, p. 49-56.

C.A.T.H.M.A., "La céramique du Haut Moyen Age en France méridionale : éléments comparatifs et essai d'interprétation", dans La ceramica medievale nel mediterraneo oddidentale, Siena-Faenza (8-13 nov. 1984) , Florence, 1986, p. 27-50.